Jusqu'ici tout va bien

Ce billet est un peu plus court que d’habitude. C’est ce que j’ai pu écrire, dans cette semaine un peu cabossée. Merci de votre indulgence, et de votre lecture, même les vendredis en pointillés.

Gros Plan
3 min ⋅ 11/07/2025

Ce billet du vendredi m’est largement inspiré par Marcia Burnier, autrice féministe extraordinaire, sportive flamboyante et personne-à-chien investie. Merci à elle pour aujourd’hui, pour l’ensemble de son œuvre (lisez), pour nos conversations, pour m’avoir encouragée à écrire, pour plein de choses, vraiment.

Depuis quinze jours, c’est plus difficile. C’est normal, mais version dure. Rien d’alarmant, rien d’abyssal, n’appelez pas les secours. L’avantage d’avoir déjà eu très mal, d’avoir traversé des ravins entiers remplis d’angoisse, c’est qu’on connaît bien l’échelle de la merde.
Jusqu’ici tout va bien.
C’est tatoué sur mon mollet. Pas forcément parce que “l’important, c’est l’atterrissage”. L’important, c’est tout le temps. Comment on tombe. Pourquoi. Comment on apprend à se rattraper, à se rouler en boule pour éviter de se faire les croisés. Comment on apprend à ne plus se lâcher des deux mains. Comment on fait pour tomber moins souvent, moins fort.
L’important, c’est maintenant, c’est tout le temps, mais c’est aussi d’avoir la force de s’imaginer un demain. Et même, un après-demain. Ça vous paraît simple. Souvent, pour moi, c’est compliqué. 

En ce moment, j’ai la tête dans le guidon façon chapon de Noël : farcie. Un défi à la fois. Une angoisse à la fois. Une situation à la fois.

Jusqu’ici tout va bien.
Parfois, c’est déjà assez.
Demain, c’est loin.

En vieillissant, je repère mieux ce qui m’aide à ne pas couler. Alors je vous partage ici mes secrets de beauté mentale. Quelques-uns, au moins :

Je respecte mes limites. Sinon je le paie. Très cher.
Je plonge mon corps dans l’eau dès que possible. Pour nager, pour flotter, pour rêver. L’eau me calme. Je pense mieux mouillée. Je me régule.
Je raconte mes journées à ma femme, même les détails insignifiants, ce que j’ai mangé, ce que j’ai pensé d’un passant.
Je rêvasse. Comme une ado.
Je mange des spaghettis à la sauce tomate en tube à 1,19€, acide et parfaite. Je traîne dans les parapharmacies. Je fais du vélo dans Paris. Je retourne dans les mêmes endroits familiers, encore et encore.

Je mange la même chose. Jusqu’à ce que l’envie passe. Des tomates et des nectarines. Des harengs. Ca dépend. Je bloque. Et puis ca s’en va. 

Je chante des chansons à mon chien. J’en invente. Il a ses préférées.
Je m’autorise à penser le pire pendant trois minutes. Chrono en main. Puis j’arrête.
Je dis du bien des gens que j’aime à d’autres gens que j’aime.
Je décide que certains problèmes sont pour demain. Aujourd’hui, non merci.
Je télécharge illégalement des centaines de livres que je ne lirai jamais. Et parfois, j’en ouvre un. Et c’est magique.

J’ai le droit de me tromper. J’ai le droit de merder. L’important c’est l’après.
J’ai arrêté de mentir pour des trucs nuls : non, je n’ai pas vu ce film, non, je n’ai pas lu ce livre. Et tu peux monter, descendre, ca va rien changer. 

J’adore quand Merlin hurle sur les gens dans la rue. Je sais, c’est mal, pour lui, pour les autres, pour le bruit. Mais sa hargne me réjouit.

Je rentre chez moi. J’y retrouve ou j’y attends la femme que j’aime.

Je prends des bains dans mon nouvel appart. J’en fous partout. Je m’en fous.
J’ai quitté les réseaux. J’ai quitté l’info en perfusion, les indignations express, les clashs militants, les gentils et les méchants du mois. J’essaie de revenir parfois. Mais c’est cassé.
J’essaie de prendre mes antidépresseurs. Tous les jours. Ça paraît simple. Je n’y arrive pas toujours.
J’écoute moins de true crime. Moins de podcasts aussi. Il y a plus de place pour moi, dans mon trois-pièces-cervelle.
J’ai moins peur du vide. J’ai moins peur d’exister.
J’essaie d’être au plus près de moi. Sans déguisement. 

J’ai fini par comprendre que c’est la distance entre moi et mon masque qui m’angoissait.

Je travaille à l’enlever. Je me cherche une nouvelle psy, pour continuer.

C’est ça, mes soins. Ma routine. Mon kit de survie.

Jusqu’ici tout va bien. 

À demain.

À vendredi prochain.



Gros Plan

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Par Daria Marx

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