Tout le monde aime Bref 2. Sauf moi. J’ai regardé, attentivement même, j’ai vu où il fallait rire, où il fallait pleurer, où il fallait s’émouvoir. Et pourtant, rien. Pas un frisson, pas un éclat de rire, pas une larme. Juste une immense indifférence. Alors forcément, je me suis demandé ce qui clochait chez moi. Voici quelques hypothèses.
Voilà j’ai pas aimé Bref 2, j’ai l’impression d’avouer ça comme une faute capitale, un truc qui finit de m’inclure dans l’équipe des cool kids. Autour de moi ca pleure et ca rigole et ca fonctionne, alors je me demande quel genre de balais occupe mon tréfonds pour que ca ne mobilise rien en moi, ni tristesse, ni joie. J’ai tout regardé en plus, comme si c’était obligé pour appartenir à mon clan, un peu comme quand t’es gamin et que t’as pas la télé, t’es vraiment exclu si tu ne sais pas t’engueuler sur les derniers épisodes de Salut les Musclés à la récré. J’ai tout regardé, et j’ai bien vu là où j’étais censée m’émouvoir, la maladie et la mort et les potes, j’ai bien vu où c’était bien fichu, les feuilles qui s’envolent et les effets spéciaux et tous les messages envoyés à leurs autres séries, pourtant, rien, nada, balek. J’ai plusieurs thèses sur les possibles causes de ce manque flagrant d’humanité, laissez-moi vous les compter.
1/ J’en ai rien à foutre du héros. Vraiment, pardon d’être aussi crue, mais je n’arrive plus du tout à m’intéresser à l’arc de rédemption de ce mec, je me fous de ce qu’il ressent, de ses petites angoisses et des ses petites peurs. Pendant la saison 1, on tentait de faire de ce personnage le mètre-étalon de l’émotion, il était l’universel, on était tous‧tes un peu comme lui non ? Après tout, on avait tous‧tes eu du mal à insérer le câble USB dans le bon sens et gniagniagnia, il faut croire qu’on n’avait pas encore assez parlé d’intersectionnalité en 2011, c’était ok de laisser croire que les hommes blancs moyens avaient les mêmes soucis que les femmes, les minorités de genres, les personnes racisées, bref (lol). Évidemment je n’attends pas qu’une oeuvre de fiction me fasse l’effet d’une pub Benetton aux 1000 couleurs de l’arc-en-ciel, j’ai bien conscience qu’on peut défendre un point de vue, mais voilà, moi, ca ne me touche pas. J’achète pas la tentative de racheter le tonton relou avec sa petite séquence émotion, on est en 2024, les hommes pleurent, c’est bon, y’a pas de médailles à distribuer pour 10 secondes d’authenticité dans un océan de virilisme bien tapé. Et pourquoi les parents de Kyan Khojandi sont-ils blancs ?
2/ J’en ai rien à foutre des personnages féminins de la série. Vraiment. Entre Marla qui devient la bonne copine après s’être fait rouler dessus, et toutes les filles incroyables qui tombent amoureux de ce mec vraiment moyen-moins, je ne comprends pas. Si les copines du héros étaient mes potes, je hurlerai à longueur de journée : quitte-le. Voilà, quitte-le. J’avais un espoir pour le personnage de Laura Felpin, mais il s’est éteint comme un feu mouillé au bord d’une plage normande. Attention ca va divulgâcher sec. Comment peut-elle tomber amoureuse de ce mec qui n’a pas haussé la voix une seule fois pour la défendre de son ex violent ? Comment peut-elle nourrir des sentiments pour ce colocataire qui constate chaque jour les dingueries de son ex sans lui proposer du soutien concret ? C’est ca le destin des meufs dans Bref, finir par baisser les armes, le niveau est au sol, l’important c’’est qu’il se rende compte à la fin ? Ce gros naze incapable même de se rendre compte qu’il vit une histoire avec une fille en pleine addiction à la cocaïne ? L’amour rend aveugle et l’hétérosexualité rend malade apparemment, si c’est la sorte porte de sortie possible.
3/ J’en ai rien à foutre de cette fausse nostalgie. Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit, non ? Un grand flashback doux-amer pour ceux qui ont grandi avec Bref, un truc qui réactive les souvenirs, les potes d’hier, la vingtaine mal foutue, les insécurités réconfortantes. Mais moi, je ne ressens rien. C’est peut-être un bug, un raté dans mon programme, ou peut-être juste que je suis passée à autre chose. Nostalgique de quoi, on a pas vécu les mêmes choses, on a pas eu les mêmes vies. Je me suis jamais identifiée aux personnages de Bref. Et puis se souvenir de quoi ? d’une époque où on glorifiait encore les mecs malhabiles qui traitaient leurs copines comme des checkpoints émotionnels ? De cette insouciance feinte où tout était grave mais pas trop, où les blessures étaient cool si elles étaient bien racontées, bien montées, bien rythmées ? Je n’ai pas envie de revenir à cet endroit. Ça ne me manque pas. Alors voilà, peut-être que c’est moi qui y perd, j’ai trop déconstruit, trop analysé, trop attendu aussi. J’ai perdu cette capacité à me laisser emporter sans lever les sourcils, à juste profiter sans faire des notes mentales de toutes les petites incohérences, de tous les vieux schémas qui ne passent plus. Peut-être que c’est une perte. Ou peut-être que c’est une évolution.
4/ Je crois aussi qu'il y a une part de jalousie, un truc qui perdure depuis la saison 1, ce sentiment de ne pas faire partie du club, de voir les autres s'extasier pendant que je reste là, hermétique, un peu exclue de la grande messe collective. Ce goût amer dans la bouche de l’époque de Bloqués aussi, ce programme qui encense une nouvelle fois deux misogynes sur canapé. Il y a quelque chose d’agaçant dans cette idée d’unanimité, dans cette communion évidente qui me laisse sur le bas-côté. Je suis trop cynique, trop âgée, trop consciente des ficelles. J’ai perdu cette innocence qui permet d’être touchée sans arrière-pensée, de se laisser porter sans chercher à démonter le mécanisme. Et en même temps, est-ce si grave ? Est-ce que tout est fait pour tout le monde ? J’ai l’impression qu’il y a une injonction à aimer, à être ému‧e, à partager l’enthousiasme général, sinon on est suspect‧e. Jalousie, snobisme, mauvaise foi, tout plutôt que l’éventualité que la série, simplement, ne nous parle pas. Peut-être que ce n’est pas moi qui suis insensible, peut-être que c’est juste que ce n’était pas pour moi. Et c’est ok.
Bref 2 ne m’a rien fait. Peut-être que c’est moi qui suis passée à côté. Ou alors j’ai bien fait de ne pas monter dans le train. Je ne doute pas du génie des auteurs, je ne doute pas du talent des comédien‧ne‧s, de la finesse de la mise en scène, du travail colossal du tournage. C’est juste pas pour moi. Et c’est ok comme ca.