tw envie de crever (comme ça c'est clair)

Bon ca va pas fort en ce moment, je vais pas vous mentir, voici donc une petite soupe légère goût envie de crever, mais pas tant que ca, coriandre et legging de sport pas lavé. La semaine prochaine ca sera plus joyeux (lol).

Gros Plan
3 min ⋅ 24/01/2025

Longtemps j’ai eu envie de crever. C’était ma réponse standard à une situation de crise. Mon plan Marshall personnel. Devant une situation trop douloureuse, un arbre décisionnel extrêmement pourri, avec des embranchements tous aussi toxiques les uns que les autres. Avez-vous envie de crever ? Non mais quand même ? Voulez-vous-vous faire du mal ? Oui ? Oui, mais pas trop ? Voulez-vous écraser cette cigarette sur votre cuisse ou préférez-vous engloutir un kilo de raviolis froids à même la boîte de conserve nue dans votre baignoire ? Fun times. Quand on se trimballe une petite valise cabine de traumatismes en permanence dans l’escarcelle, une contrariété de genre moyen peut devenir un grand incendie, venir rebondir bien profond dans des plaies qui ne demandent qu’à être explorées plutôt que suturées. Et puis, au fond, pourquoi chercher à se sauver de soi, quand soi, c’est tout ce qu’on a ? On croit se sauver mais on s’enfonce. Découvrir la douceur est une aventure flippante quand on n’en connaît pas le relief, quand on ne veut pas savoir, quand on se persuade d’être mieux, bien au chaud, bien coincée dans sa propre broyeuse à ordure personnelle. Reste à savoir si t’es l’ordure ou la machine. 

Avec l’âge, avec le CMP, avec le psy, avec de l’aide, j’ai appris à ne plus vouloir mourir tout de suite. Bien sur, ca restait dans un coin de ma tête. La grande échappée. Je suis une romantique. En apprenant à dire avant d’exploser, j’ai transformé mes pulsions de mort en envies de disparition. Éteindre mon téléphone, prendre un train, aller voir la mer. Ne plus répondre à mon prénom. Ne plus exister vraiment. Survivre dans un réel mou, sans identité, sans attache, sans avoir besoin de connecter. Devenir muette, invisible. Morte-vivante mais morte quand même. Et puis j’ai continué la thérapie, j’ai rencontré d’autres personnes bien plus traumatisées, j’ai parlé sans cesse de mes troubles psychiques, sans doute trop, parfois avec complaisance, souvent en m’excusant. J’ai traversé des mois de rien, juste respirer. Je me suis réparée. J’ai eu de moins en moins envie de partir. Et puis Merlin est arrivé dans ma vie, mon chien, mon enfant, ma beauté. Si je pars, il part avec moi. Et c’est impossible. Il mérite la vie la plus douce, les coussins les plus tendres, les câlins les plus longs, les promenades les moins froides. Il m’a retenu. Il m’a ancré. Il m’a réconforté. Il m’a obligé à rester. Il a fait exister, dans mon ventre si grand et si vide, pardon à mes amies, pardon à mes amours passées, la sensation brûlante d’être attendue quelque part, de compter. La certitude d’être aimée, peu importe la forme. 

Et puis, au fil des années, des rencontres et des déceptions, je me suis entourée d’une garde rapprochée de poissons-clowns-tristes, on explore les fonds ensemble, on fait des bulles, on se tient chaud tout au fond de l’eau. Parfois on remonte tous‧tes ensemble, pour quelques semaines bénies où tout va bien pour tout le monde. Souvent, on se tirer les un‧e‧s les autres jusqu’à la surface, dans une chaîne laborieuse et glissante, on se souffle gentiment dans les branchies. J’en ai fini de cette métaphore aquatique, vous pouvez respirer. Il y a ma femme, qui allume dans mon coeur et dans ma tête et dans mon ventre quelque chose de fier, d’immensément bienveillant et superbe. Je pense qu’il fallait tout mon chemin de vie pour m’autoriser à la rencontrer enfin. Qu’il me fallait les baffes dans la gueule, les grandes remises en question, un peu de sagesse et d’estime de moi, qu’il me fallait être prête à accepter quelqu’un‧e d’aussi bien, d’aussi droite, d’aussi chouette. Je reste là, avec elle, avec mon chien, avec mon chat. Je n’ai presque plus envie de disparaître. Je n’ai plus envie de mourir. Vieillir, c’est chouette pour ca aussi. Avant j’avais envie de crever, maintenant j’ai envie de vivre plus longtemps. C’est bien quand ca s’inverse. Je vous recommande l’expérience. 

C’est drôle comme mon humeur s’inverse au fil de l’écriture de ce texte. Je pleurais pendant les premières phrases, maintenant je souris. Ces billets du vendredi me font souvent faire cet exercice vertueux : regarder en arrière, compter mes bénédictions, repenser aux endroits de chance. Je voulais vous raconter à quel point la période est source d’angoisse, de stress, d’inconfort. A présent, je veux juste vous dire qu’on va s’en sortir. Qu’on fera mieux la semaine prochaine, le mois prochain, ensemble. Qu’on va continuer à s’aimer fort dans les épreuves, les petites qui font mal comme des échardes minuscules, trop mal placées, ou les grandes qu’on traverse mollement comme si rien ne bougeait. Je me fais mon propre discours de motivation j’espère qu’il va vous servir aussi. On est capable de tout faire. On est capable d’avancer, même la boule au ventre, même sans rien y voir devant. On y va putain. On gagne rien en restant prostré‧e‧s dans nos lits, même pas du repos, juste des draps trempés d’angoisse et l’odeur de la peur qui stagne. On a le droit de prendre le risque. On a le droit d’être en colère. On a le droit de se tromper. Tout finira par bien aller. Tout ira bien. Et si ca va pas, tout peut encore changer. Surtout moi. Surtout toi.

J’écoute ca, très fort, dans ma douche. Ca marche un peu. 



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Par Daria Marx

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