Gros Plan

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Par Daria Marx
18 sept. · 6 mn à lire
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Le sport, ce continent hostile, 1/4

Ou comment j'essaie de réparer ma relation au mouvement et à l'effort physique, à l'inconfort et au regard des autres en fuyant les voix des fantômes des profs d'EPS du collège qui me hurlent de courir plus vite. Avec quelques recommandations et beaucoup de litres de sueur. Une série en 4 newsletters !

Je n’ai jamais eu franchement d’aptitudes sportives. C’est un peu comme cela que j’ai vécu ma vie jusqu’ici : il y a celles qui en ont, et ceux qui n’en ont pas, comme si une bonne fée en survet’ Quechua avait oublié de se pencher sur mon berceau. Moi, j'ai plutôt eu la visite de la fée des vannes faciles et de la fée de l’apéro en terrasse, et je ne m’en plains d’habitude pas. Je n’ai jamais eu de sportif‧ve autour de moi, et mon corps d’enfant grosse m’a tenu éloigné des jeux de la cour de récré, j’avais le syndrome de la choisie-en-dernier. Pourtant, depuis quelques mois, stupeur et tremblement, je pratique, je fais, je bouge, j’ai du mal à le dire, je suis devenue sportive.

Si je n’ai pas hérité du masochisme pseudo-sportif de mes parents, je n’ai pas été aidée à le développer à l’école ou dans mes activités péri-scolaires. Dans mes souvenirs, mes premiers cours de sport de primaire se résumaient à de grandes parties d’épervier, pendant lesquelles je perdais en premier. Le mercredi après-midi, je faisais de la danse “modern jazz”, pas vraiment par goût pour la discipline, mais dans l’espoir fou de me faire des copines. Au centre socio-culturel de ma petite ville de banlieue, nous répétions inlassablement des chorégraphies plus étranges les unes que les autres jusqu’au climax du spectacle de fin d’année. Ma mère a refusé que j’y retourne car notre prof avait chosi le titre « Pourvu qu’elle soient douces » pour notre grande démonstration artistique publique. Imaginer sa fille dodue recouverte de paillettes et saucissonnée dans un haut fluo en filet se déhancher dans la grande salle de la MJC sur les refrains libertins de Mylène Farmer, c’était trop pour elle. 

Enfant, mes parents m’emmenaient marcher en montagne chaque été. C’était la parenthèse active de notre année, plutôt consacrée le reste du temps à courir comme des poulets sans tête dans des directions opposées. Nous faisions bien quelques promenades en forêt le week-end, mais on ne peut pas dire que mes parents étaient sportifs. Mon père aimait la voile, qu’il avait pratiqué adolescent sur les grands lacs de France, et ma mère se rêvait cavalière, sans avoir le temps de la passer à la pratique. Pendant 10 jours, nous nous retrouvions donc en altitude, et mon père faisait des plans de randonnées incroyables, sans jamais tenir compte de notre forme physique réelle. Il faut imaginer notre expédition, il y a d’abord mon père, cette grande armoire à glace bien dodue, toujours la pipe au bec, ma mère, cette petite crevette de 55 kilos enchainant les cigarettes menthol, et moi, la petite grosse essoufflée de service.

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